Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/214

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ça, avant déjeuner ? — Pourquoi ? — Parce que si ton Leighton est le mien, id est : le Président du Jury International de la Grande Foire aux toiles peintes, c’est un homme charmant, pas poseur pour un sou et plus Parisien que toi et moi ensemblement. Je l’ai vu, de mes yeux esthétiques vu, autour de son « Athlète luttant avec Python », sauter de joie comme un gamin aux compliments dont ce Toulousain de Falguière l’encensait sur ce concerto de violon d’Ingres, « la master pièce de la statuaire anglaise », et je te réponds qu’il y grimpait, à sa hallebarde !

Mais de Nittis s’obstine dans sa physiologie comparée. L’Anglais chez lui est tout autre qu’à l’étranger et, à Paris, il se débraille. Le titre de Président de la Royale Académie équivaut ici à celui de gouverneur des Indes, au bas mot. Frederic Leighton, aoh, c’est la Queen peintre, statuaire, musicienne, et tout !… Etc., etc. … — Enfin nous verrons bien ! Et je prépare mes facultés, comme Kléber à Héliopolis.

En cab, et à Holland Park, car c’est encore au Holland Park que gîte le Cabanel anglais, porte à porte avec Watts, d’ésotérique voisinage.

Pépé tire la sonnette comme pour un bourdon d’incendie, décidément c’est le rite. Une livrée nous ouvre le jardinet. Nous lui remettons nos cartes, et tout de suite nous sommes introduits dans un petit salon d’attente, peu décoré et assez froid, où traînent des revues et des journaux illustrés, comme chez les dentistes et les grands avocats.

Leighton paraît. C’est lui, c’est parfaitement lui, je ne saurais le méconnaître, le Leighton du jury de