Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/235

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par où je préludais à l’exercice si périlleux et si amusant du pseudonyme littéraire. Les chroniques de l’Homme masqué intriguaient de plus en plus la ville et la cour, et c’était ce qu’on appelle au jour de l’an, une « question » que d’en deviner l’auteur. Les plus sagaces étaient dévoyés par une manière de style qu’ils ne savaient à quel encrier rendre, et les autres par la gaminerie d’un libéralisme à la parigote dont aucun parti ne pouvait réclamer le gavroche. Pour ceux-ci il y avait du Rochefort dans l’affaire et une incarnation nouvelle du prince des pamphlétaires. Pour ceux-là, ce ne pouvait être que Scholl, la bride sur le cou et faisant feu des quatre fers de son pégase socialiste. Le plus grand nombre le donnait à Jules Vallès et, dans le dictionnaire de Larousse, cette attribution dure encore, à l’heure où j’écris, soit trente-deux ans après. On allait jusqu’à reconnaître en ces chroniques boulevardisantes un essai de mon vieil ami Paul Bourget dans le goût du Thomas Graindorge de Taine à La Vie parisienne. Dans mon propre cabinet, autour du transparent lumineux de M. Mercier, ENGAPMAHC YANREPE REICREM, ceux de mes collaborateurs qui, de la plume du paon, ne paraient pas l’oncle Francisque, s’en paraient discrètement eux-mêmes, et rien n’était plus divertissant à voir que Jules Laffitte allant de l’un à l’autre, comme un apache sur l’ouate des espadrilles, pour tâcher de les surprendre en soulèvement de masque involontaire.

Un jour, Alphonse Daudet, qui était monté me voir à la rédaction, y tomba au milieu de l’un de ces débats de devinette où je réfrénais de mon mieux ma jubilation intérieure. Il avait enchâssé son mo-