Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre chambre, à l’Hôtel du Danemark, qu’à des prix formidables. Aussi beaucoup de gens étaient-ils allés se loger à Bruxelles et dans les stations intermédiaires ; c’est de là qu’ils arrivaient à toute heure et débordaient de la gare.

Les Flamands ne se sont déshabitués qu’à regret de la méthode sociale des corporations. La corporation est à la fois dans leur sang et dans leur histoire : ne pouvant y retourner franchement, ils cherchent à se donner par des sociétés l’illusion de l’institution chérie. Tout ici est prétexte valable à société, même la pêche à la ligne, art pourtant, comme on sait, égoïste et solitaire. Tous les Flamands sont des Amis de tel jeu ou de tel autre, Amis de la balle, du tonneau, des quilles, de la boule, de l’arc ou de l’arbalète ; il y en a même qui sont Amis de la joie, tout simplement, comme il résulte de ce titre de « Vreugdeminnaars » qu’ils se donnent sur leurs affiches.

Or, ils étaient convoqués aujourd’hui à des concours entre eux ; ils se sont présentés au nombre de cinquante mille, au bas mot. Mais, avant d’aller concourir, ils sont allés saluer à l’hôtel de ville le bourgmestre et les échevins.

De la place, le coup d’œil était magnifique. Chaque société, musique en tête, la bannière haute et portant devant elle les prix gagnés aux luttes précédentes, médailles, objets d’art et jusqu’à des couverts d’argent, s’avançait en marquant le pas. Armée pacifique et charmante d’un peuple heureux et que ne déchirent point de discordes intestines ! Bannières aimables, surmontées d’emblèmes consolants, vierges des ensanglantements humains et des fu-