Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/26

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mées mortelles ! Couverts d’argent bénits, saintes pendules dorées, que vous m’attendrissez et me rafraîchissez l’âme ! Et vous, médailles suspendues aux franges des guidons et qui sonnez au vent comme des clochettes de troupeaux, c’est vous qui êtes les décorations enviables. Là-bas, vers l’Orient, le glas des massacres et des tueries tinte lugubrement dans les couchers de soleil ! Mais ici l’on n’entend que des cris de joie, des fanfares et des chansons ; de bonnes figures épanouies rient au ciel clément, flagellé d’envolées d’oriflammes ; de bonnes joues se gonflent sur des tuyaux de cuivre ; de braves mains frappent la peau d’âne des tambours ! Et en avant la Brabançonne et les airs populaires de Flandre ! Charivari harmonieux ! Tohu-bohu cher à mes yeux ! Comme il est facile pourtant d’être heureux !

Mais quelles sont ces troupes innombrables armées de lances ? Elles ont des gibernes de paille, des chapeaux truculents et farouches, et leurs jambes sont guêtrées comme celles de soldats barbares ! Leurs étendards retentissent de mots d’une langue menaçante ! Tremblez, anguilles de l’Escaut ; voilà les pêcheurs à la ligne du bon Dieu, les chasseurs de poissons, les écumeurs de berges, les amis de l’hameçon, du silence, de l’asticot, que sais-je ! C’est à ne pas s’y reconnaître. Et tous convaincus, tous dignes, graves, presque pontifiants ! Ils vont concourir, savez-vous ! Dieu nous est témoin que nous aurions tout donné pour assister à ce concours, que nous avons fait l’impossible et le surhumain dans ce but. J’étais allé pour ma part jusqu’à me décider à user des cartes sans nombre que la municipalité m’avait fait l’honneur de m’adresser, et dont une seule me donnait le