Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Sans être aussi violent que le choléra de 1882, mis en œuvre par Eugène Sue dans son Juif errant, Iliade du roman-feuilleton, et qui fut le plus meurtrier de tous ceux que l’Asie déchaîna sur l’Europe, celui de 1849 a été un fléau fort honorable. Au mois de juin il enlevait ses sept cents âmes à Paris par jour, et cent encore en septembre, tandis que Gérard, qui avait été carabin, courait la ville en quête de ses amis pour les soigner et les rassurer, tant la terreur est contagieuse surtout dans les milieux philosophiques, ou réputés tels, des intellectuels. Théophile Gautier était à Londres, où l’avaient emmené ceux qui l’aimaient, et il avait laissé son alter ego tenir seul la férule dramatique à La Presse. Ce fut, je crois, à ce moment que Champfleury fit courir le bruit qu’à l’instar de Henri Heine, dont il venait de traduire les Reisebilder, et qui changeait de religion comme de chemise, Gérard s’était rallié au Coran et s’était prêté à toutes les conséquences de sa foi nouvelle. Puis Gautier revint et Gérard partit pour l’Allemagne à son tour et rien ne fut interrompu au rez-de-chaussée de La Presse.

Mais ces choses sont connues de ceux qu’elles intéressent et c’est perdre son encre que de les apprendre aux autres. De Gérard de Nerval le vulgum pecus ne sait que le drame de la rue de la Vieille-Lanterne et comment, le 15 janvier 1855, la police trouvait son cadavre pendu à la porte d’un bouge sans pouvoir décider si le noctambule s’était suicidé ou s’il avait été assassiné.

Mais n’est-il pas étrange que l’énigme ne soit pas encore résolue au bout de plus d’un demi-siècle et qu’on en soit toujours à se demander si Gérard de