Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/30

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vers le rôle des petits gâteaux à Paris, ce sont les friandises d’entre les repas. Un œuf dur donne droit à une ration de sel que l’on vous verse sans façon sur la table d’une bouteille spéciale, fermée par un bouchon mobile ; une autre joie des consommateurs, c’est d’assister à la lutte continuelle entre les gamins et les garçons de café exaspérés, au sujet des morceaux de sucre laissés sur les soucoupes. Une hirondelle ne happe pas plus vite une mouche, qu’un galopin d’Anvers un carré de sucre sur une table. Et les garçons de courir la serviette en l’air !…

Je ne m’étendrai pas longtemps sur les régates ; nous y avons assisté d’un vapeur anglais, assis sur des cordages et traversés par une pluie battante. D’ailleurs le spectacle en est assez banal par lui-même, et c’est le cadre ici qui lui donne toute son importance. Une course à rames n’est pas une chose commode à réussir sur un fleuve tel que l’Escaut qui mesure ici la largeur d’un bras de mer, c’est-à-dire près de 600 mètres et qui atteint 10 mètres de profondeur à la marée basse. Des bâtiments en sillonnent sans repos la nappe brune, moirée à marée haute de lames courtes et dures, peu favorables aux yachts et aux périssoires. Tu penses bien qu’un port de l’activité d’Anvers ne s’arrête pas de vivre pour une kermesse, fût-elle celle de Rubens, à plus forte raison pour des régates. Aussi les coureurs sont-ils secoués terriblement par les remous, par les battements de roues, par le vent même qui souffle aigre, et ils ont à éviter la rencontre des bateaux marchands qui remontent le courant, à contre-vent, en tournant sur eux-mêmes, comme des cygnes endormis. Aussi les régates sur l’Escaut offrent-elles surtout l’attrait