Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du péril évité ou vaincu. Les concurrents d’ailleurs, ne se sont pas présentés en grand nombre. Mais, même sous la pluie, le coup d’œil était pittoresque. Le tableau valait par sa bordure. À l’horizon, la rive, nappe de verdure elle-même, immense et clairsemée de villages à toits rouges, à murs verdâtres, à pignons en escaliers, qui sentent déjà la Hollande ; des navires lointains découpent leurs fines mâtures grises sur un ciel que l’orage envahit. Au fond, à droite, les ports et bassins avec leurs grands hangars bruns et leurs forêts de mâts argentés par un suprême rayon. Puis devant nous, le quai Van Dyck, grouillant de monde, bariolé de drapeaux qui se gonflent et fouettent l’air, de platanes qui s’échevèlent, de guirlandes qui s’effeuillent ; puis la déroute des spectateurs à la première ondée, les femmes perdues dans leurs jupes, les parapluies qui éclosent comme une poussée de champignons violets, l’effarement comique, les cris, la bousculade sous les auvents des cafés, enfin la pluie torrentielle qui couvre tout d’un voile strié, la pluie, le règne du neutre. Pendant ce temps les braves coureurs, partis sur leurs trirèmes légères, rament à tour de bras et tournent probablement le bateau qui limite la piste !… Qui me dira pourquoi encore en ce moment je cherche des yeux sur les rives l’échelonnement des pêcheurs à la ligne ?