Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais su dire pourquoi et tout prouve que le premier travail de son auteur est le bon. J’ai toujours remarqué pour ma part que les apports de l’omnicollaboration à laquelle on soumettait mes « ours » ne faisaient que leur recoller les poils tombés à mon honnête léchage. En d’autres termes, je retrouvais dans les béquets offerts tous les copeaux de l’établi. Il ne saurait d’ailleurs en être autrement et il suffit pour s’en convaincre de se rendre compte du travail d’élimination raisonné grâce auquel on arrive, quand on y arrive, à faire œuvre de dialogue. Ce que le poète n’y dit pas, n’est réellement pas à dire. Il en va comme de ces notes marginales d’un texte qui gâtent les éditions des classiques, déshonorées par les scoliastes. Je n’hésite pas à le dire : toute pièce remaniée est perdue. Elle est perdue non seulement pour son écrivain mais pour le public lui-même, qui en sent d’instinct l’émasculation arbitraire. Il veut qu’un enfant n’ait qu’un père et déjà, quand il en a deux, il s’inquiète de savoir quel est celui qui a trompé l’autre.

Au bout de six répétitions, je n’étais plus que l’is pater de Le Nom et sauf le mariage imbécile du dénouement qui groupait tous les suffrages, il n’était personne à l’Odéon qui n’eut plus ou moins participé à la réfection de l’enfant. Le garçon de bureau, Émile, chez qui j’allais, aux instants de repos, soupirer la cigarette, me suggérait des conseils bénévoles basés sur le long exercice de sa charge. Il n’y avait que Porel qui, bouche close, m’abandonnait, telle Ariane à Naxos, à ma propre fatalité. Et puis vint le temps des coupures franches, ou amputations, qui sont le dernier mot de la chirurgie dramatique, et