Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/315

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me rendre au bureau directorial pour une cérémonie que je n’ai jamais vu célébrer qu’au second Théâtre-Français, et sous ce consulat, mais bien charmante ! Il y avait sur la table cinq carrés de papier de dimension égale et leurs cinq enveloppes gommées. Il s’agissait de pronostiquer par écrit le sort éventuel de la pièce, chacun selon la foi qu’il y avait, à la façon des testaments mystiques qu’on n’ouvre qu’après la mort des testateurs chez les notaires. Rien de plus gai que ce joli jeu auquel, outre les associés, Adolphe Dupuis, Valnay et moi-même, étions priés de prendre part. Je fis observer qu’il y manquait un devin, le chef de claque, mais sur la remarque que, par profession même, il était sans critère, n’étant qu’un souffleur exalté, je me contentai des cinq augures dont l’un au moins me vaticinait l’espérance. — Les enveloppes seront ouvertes ici même le soir de la première, chanta Porel, et nous verrons ainsi, d’après l’arrêt du public, quel est celui de nous qui aura vu le plus juste sur les cinq actes.

J’ai toujours ignoré quel fut le vainqueur de ce concours expérimental, car les enveloppes ne furent pas ouvertes et pour cause, mais si on les a conservées aux archives odéoniennes, on trouvera certainement dans la mienne cinq cris assez analogues à celui de l’illustre Montezuma au célèbre Guatimozin et tout son regret du lit de roses.

Il y avait dans Le Nom une scène où un vieux prêtre de village, le propre frère du duc d’Argeville s’abattait sur un prie-Dieu pour une oraison ardente. Porel, qui l’incarnait d’ailleurs à miracle et s’y tailla son Austerlitz d’artiste, avait toujours répété sans le meuble, qui manquait aux accessoires du théâtre :