Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/316

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« Ne vous occupez donc pas de ça, me disait-il, j’aurai le prie-Dieu au temps voulu. » Mais je m’en inquiétais malgré moi, tant j’étais peu auteur dramatique. On ne s’agenouille pas ainsi du premier coup en soutane et sans disgrâce, quand on ne s’est pas adapté au geste, surtout lorsque la soutane est toute battant neuve et raide comme une cloche. Or, l’acteur l’avait commandée expressément et en attendait encore la livraison. Si vieux que fut l’abbé d’Argeville, son interprète était encore dans sa quarantième année et l’Odéon ressortit du faubourg Saint-Germain, par Saint-Thomas d’Aquin, sa paroisse. Enfin, je n’étais pas tranquille.

J’aurais voulu voir au moins une fois avant la première l’excellent Porel crouler sur le prie-Dieu, au pied du crucifix, sans erreur décorative, et d’autre part j’avais scrupule de grever la subvention d’un accessoire archéologique qui pouvait être remplacé par une chaise ou même par une hypothèse shakespearienne.

Or, comme en compagnie d’Adolphe Dupuis, je descendais « en ville » par la rue de Rennes, mes regards tombèrent sur l’étalage d’un magasin de meubles anciens et nouveaux que tenait la mère du compositeur Alma Rouch, l’auteur des Deux Augures, joie des soirées d’Alphonse Daudet, rue Pavée. Dans cet étalage, il y avait un prie-Dieu de presbytère normand qui était « le » prie-Dieu même de Le Nom. La trouvaille était providentielle. Dieu aussi voulait collaborer. J’entrai, en entraînant Adolphe Dupuis, chez Mme Rouch, que d’ailleurs je n’avais jamais vue.

— Combien, madame ?