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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/322

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— Vous le voyez, releva gaiement le comédien, la location marche ! Au rideau, Valnay.

Et la toile levée, ce fier artiste du vieux jeu se détordit, et entra en scène, droit, ferme et résolu comme un grenadier impérial dans la fournaise, j’allais dire dans le four, par habitude, mais n’antidatons pas l’histoire, même d’un jour, ce n’était que la générale.

Donc, Jules Vallès, campé non pas « contre un portant ou dans une loge noire », mais au brave centre de la salle, entre Auguste Vacquerie et Jean Richepin, y secouait la tête de lion évadé de sa ménagerie qu’il avait rapportée de Londres, et, dans les galeries, frémissaient les couturières. — Regarde, lui disais-je, les couturières frémissent. — Il y en a de bien jolies, soupirait-il, la lèvre humide. Il faut que je fasse du théâtre décidément. — Une voix salua derrière lui : — Vous y excelleriez comme en tout le reste ! — Vallès se retourna et pressa la main du gracieux interlocuteur. — Qui est-ce ? me jeta-t-il à l’oreille. — Le bourreau, fis-je. — Comment le bourreau ? Pour l’exécution alors ? — Non, pour la toilette. M. Bourdon, suppôt d’Anastasie. — Mais il est charmant. — N’est-ce pas ? Du reste tu lui as serré la main, — Bah ! à l’Odéon ! terrain neutre. — Et voulant reprendre position, le réfractaire lança par-dessus l’épaule : — Vous ne tuez pas assez de poètes.

S’il n’aimait pas les vers, Vallès, qui n’était que prosateur, mais l’un des plus forts de notre langue, mettait au plus haut prix la recherche du style et il en traitait en profès. Tout allait assez bien pour Le Nom où il reconnaissait la manière de cet Homme