Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/332

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sophie, ne se consolait pas qu’on l’eût cru capable de retoucher ainsi l’œuvre immortelle du vieux Will et d’en laisser à feu Ducis pour la trahison d’un texte sacré. Pendant huit jours il perdit, lui qui y excelle, toutes ses parties de dominos. — « Marier Iago à Desdémone, moi un poète et un honnête homme ! » Et tous ses doubles-six lui restaient dans la main.

Je dois reconnaître que l’appellatif de : lendemaintiste appliqué aux profès de la critique matutinale, ne fut point accueilli par le public et qu’il me resta pour compte. Il était mal fait du reste et aussi laid à écrire qu’à prononcer. Aujourd’hui, où des horreurs vocabulaires telles que : « arrondissementiers » sont accréditées par les Pères mêmes de la patrie, le barbarisme passerait comme une lettre à la poste. Si conformément aux lois de la philologie je les avais dénommés : les crasistes, — de cras, qui dit demain, — ils en avaient pour leur bannière. Les « crasistes » ne me furent pas amènes. Les amis que j’avais parmi eux tinrent à honneur de ratifier le proverbe du :Qui bene amat, bene castigat, et seuls les lundistes m’épargnèrent ; J.-J. Weiss chanta même mon los dans Les Débats, si c’est chanter le los d’un poète que de ne pas le vouer à la potence, arbre sec de cet oiseau. Quant à Sarcey, je lui dus les vingt représentations, soit dix de plus que le nombre fixé par ce Chaldéen de Porel. L’oncle disposait de la bourgeoisie, et il était le maître de ses menus théâtraux. On sait que son critère était dans l’abdomen. La pièce où il avait digéré était bonne, il y envoyait sa clientèle.

Le jour de la première même, comme je me rendais au théâtre, je croisai rue de l’Ancienne-Comédie