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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/335

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Quand il en avait extrait de sa veine, il les gravait sur des couteaux à papier qu’il jetait dans un sac affecté à la collection : Théodore de Banville possédait l’un de ces « fend-tômes » ; on y lisait ce distique :

Jasmin, tu passeras passage Vivienne,
Pour dire à mon bottier que je voudrais qu’il vienne.
Pour dire à mon bottier que(Pour L’Honneur et l’Argent.)

— Remarquez, disait Banville, que rien n’est plus ponsardiforme, ni même autant, puisqu’au charme de la platitude s’ajoute la fleur académique d’une faute de syntaxe admirable. Oui, cher ami, ce « qu’il vienne » pour le « qu’il vînt » nécessaire et édicté des dieux, il est toute l’œuvre du maître de Vienne, il la résume et la caractérise. On n’a plus besoin de la lire pour la connaître.

Et c’est assurément d’un couteau à papier de Charles Baudelaire que Mlle Tessandier, déguisée en Charlotte Corday, égorge Marat dans sa baignoire, là-bas, à l’Odéon, en Seine-et-Oise !…

(Et j’imaginais ce dialogue entre M. Littré et le Jourdain de Molière.)

M. Jourdain. — Quand je dis : « Donne-toi donc, Marat, la peine de t’asseoir », qu’est-ce que je fais, monsieur Littré ?

M. Littré. — Vous faites de la prose, monsieur Jourdain.

M. Jourdain. — Et cette prose est-elle bonne ou mauvaise ?

M. Littré. — Ni bonne ni mauvaise, elle est ponsardienne, simplement.

M. Jourdain. — Les six pieds y sont cependant : Donne-toi-donc-Marat-la pei-ne-de t’asseoir.