Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/49

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çonnes. Quant à Mars, Apollon et Jupiter, leurs conseils célestes n’ont guère trait, ce semble, qu’à la préexcellence de la bière d’orge sur la bière de houblon. S’ils se livrent bataille, ce sont sans doute des luttes terribles, à renverser les colonnes du firmament, mais ils n’ont pas d’autres querelles. Une kermesse épique de demi-dieux, ou encore d’hommes promus aux grades de demi-dieux par le pouce homérique de leur modeleur, telle est l’idée que nous nous formons de la Création de Rubens. Nous y avons cherché en vain le cri humain de Térence, l’essor sublime qui élève la conception d’un Michel-Ange, le sentiment moderne de l’infini, le goût mélancolique des mystères éternels. Rubens est un esprit positif, un sage si l’on veut, mais le sage des fabulistes. Le décorateur en lui est de taille à orner tout un paradis, mais un paradis oriental. Nous allons troubler beaucoup de gens, mais de Brauwer ou de Jan Steen à Pierre-Paul Rubens nous ne trouvons pas toute la distance que l’on suppose. Peut-être la différence entre eux n’est-elle guère que celle que l’on signale entre la petite et la grande peinture, entre le tableau de chevalet et le tableau d’histoire. Rubens n’a fait que du Brauwer héroïque ; son naturalisme s’exalte jusqu’à l’expression épique et olympique des types et des scènes, mais ses types sont ceux que fournit la bonne race flamande, forte en chair et haute en couleur ; ses scènes ont la jovialité, dans le grandiose de leur apparat, des cabarets chers à Teniers. Certes c’est un Homère, mais un Homère flamand encore une fois. L’aigle en lui fut couvé par des canes.

Le chef-d’œuvre de Rubens reste à notre avis l’ad-