Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/52

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passer leur dimanche dans les jardins de Harlem, ce Saint-Cloud d’Amsterdam. Ils traînaient avec eux leurs familles, composées de femmes et d’enfants de diverses couleurs, ceux de la mère-patrie et ceux des îles, car en Hollande l’amour même colonise. Nous vîmes jusqu’à des Chinois. Tous ces braves gens, dirigés sur Harlem, étaient-ils des tulipomanes ? Grave question que nous tentions vainement de résoudre par l’étude de leurs physionomies. Hélas ! voilà encore une originalité qui s’en va de ce monde banalisé. Il n’y a plus de tulipes à Harlem. La tulipomanie, chantée par l’abbé Delille dans les Jardins est un culte disparu. C’est à peine si, dans la banlieue quelques pépiniéristes, laudatores temporis acti, s’y adonnent obscurément. Harlem a perdu cette gloire, avec celle du fameux Laurent Coster. Il est vrai que celle qui lui est née de Frans Hals est une compensation suffisante, quoique les habitants ne semblent guère s’en douter.

À Amsterdam, on montre encore la maison de Rembrandt ; à Anvers, celle de Rubens passe pour une des curiosités de la ville. Mais demandez, comme nous le fîmes, à un Harlemois dans quel quartier est située l’habitation de Frans Hals, qui a vécu près de soixante-dix ans à Harlem et qui y a tenu une école illustre dans le monde entier, le pépiniériste vous regardera avec étonnement. Notez cependant que Harlem est une des villes de Hollande qui se sont le moins modifiées, ainsi que l’attestent les dates orgueilleusement inscrites au front de ses maisons, dont la plupart sont au moins contemporaines du maître. Il est donc plus que probable que cette habitation existe encore, quand cela ne serait que