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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/8

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est le héros furtif dans sa sphère d’action sociale, selon les mœurs et les lois de la terre natale. C’est le temps des testaments raisonnés ou plutôt des « confessions », pour leur garder le nom dont les a chrétiennement parés le saint évêque à qui l’on en doit le genre littéraire. La vérité vraie, disons modestement sincère, constitue l’attrait des mémoires, et l’on estime avec quelque raison que celui qui se dispose à quitter la vie n’a pas plus à se duper lui-même qu’à leurrer les autres sur les biens et les maux qui lui ont été départis au ticket de sa destinée. Là est la raison du succès croissant des autobiographies. Nos frères en misère humaine s’y cherchent mieux et souvent se retrouvent dans la variété monotone des efforts communs à la conquête du bonheur. Ils en sont devenus si curieux qu’ils ne demandent même plus aux « confesseurs » d’avoir été des individualités mémorables et considérables de l’Idée, du Fait ou de la Fortune, des saint Augustin, des Saint-Simon ou des Jean-Jacques, et que tout leur est bon du plus infime explorateur de la Vallée de Larmes s’il leur apporte, de sa petite pérégrination, le témoignage le plus gris. Je dis gris comme l’âne qu’il chevaucha le long de la rivière.

Vous avez devant vous l’un de ces conteurs sans gloire, n’ayant souffert en résumé que d’un mal peu coté au martyrologe social, le mal artistique des Lettres, et vous voyez qu’on n’en meurt pas toujours. Je n’ai donc point à me dissimuler que, dans l’intérêt que le public veut bien porter à mon modeste « document humain » je bénéficie de cette avidité, assez inéclectique et fomentée par le naturalisme et le reportage de savoir d’un homme embêté ce qui l’embête, comment il grimace dans son embêtement et s’il y est