Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/80

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rêvés, les comédies et drames dont les plans, les thèmes et les personnages m’habitaient et pleuraient en moi leur abandon. Est-ce que vraiment toute production personnelle m’était à jamais interdite ? Devais-je en rester sur cet « Ange Bosani » qui marquait le dernier pas de ma marche libre d’artiste de lettres arrêtée en juillet 1878 sur un four superbe, digne de mes maîtres, consacré par mon vieux professeur lui-même et que je me sentais de force à renouveler, face aux dieux, à n’importe quel théâtre de mon pays ? Car enfin j’en portais aussi dans l’âme, des « Notre-Dame », tout comme un autre, et c’est embêtant de ne pas chanter sa chanson, bonne ou mauvaise quand le gosier vous en fermente. Assez, assez de Vasarisme !

— Qu’est-ce que vous avez donc ? Vous monologuez sur les boulevards ?

C’était un brave garçon, mon collaborateur chez Baschet, nommé René Delorme et qui signait Saint-Juirs des romans de commerce. Il m’entraîna par le bras dans le passage des Princes. — Et à présent ? fit-il. — À présent, quoi ? — Mais il faut conclure. Les « Chefs-d’œuvre d’art » sont une réussite éclatante, c’est indiscutable. Quand faisons-nous le journal ? Je m’en nomme d’avance votre secrétaire de rédaction. Cherchons d’abord un titre. — Avez-vous la berlue, mon cher ami ? Un journal ?… Quel journal ? — Illustré, bien entendu, il faut conclure, vous dis-je. Paris est à ceux qui concluent. — Miséricorde ! un journal d’art alors ? — Naturellement. — Encore ? — Toujours. — Vous le voulez, Delorme, vous le voulez ? — Ce n’est pas moi qui le veux dit-il, en piquant l’index dans le ciel, geste auguste de l’augure,