Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/82

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pour traiter de la location, ou plutôt de la sous-location des lieux, car il n’en était lui-même qu’occupant à bail. Le vin était tiré, il fallait le boire, et c’était du vin de Champagne, dont une coupe me grise. La tête m’en tournait d’avance. Je courais après mes idées comme un chien après sa queue quand il a des puces. Un loyer de dix-huit mille francs, en plein nombril du Monde, moi qui, aux Ternes, dans l’excentrique et le suburbain, n’arrivais pas toujours à payer le trimestre de mon ajoupa d’Iroquois. Et cet animal de René Delorme qui trouvait que ce n’était pas cher encore !

Dans le laps de deux cigarettes, sur l’impériale rapide du char populaire, je fus dans son cabinet au Ministère du Commerce, car il y buralisait à ses moments régulièrement perdus. — Lisez, lui dis-je, en lui tendant le pli champenois. — Eh bien, fit mon futur secrétaire, allez-y. Est-ce qu’on sait !…

Le mot était d’un romancier, et sublime d’ailleurs. L’optimisme seul en dicte de tels aux braves. — Sur quoi comptez-vous donc ? — Je ne compte sur rien, mais j’espère en beaucoup de choses. — Lesquelles, par exemple ?

Saint-Juirs sourit : — Êtes-vous psychologue ? — Pas tout le temps et sans boire ni manger. Mais pourquoi ? — Avez-vous vu, à l’Exposition Universelle, l’an dernier, ce foudre colossal, deux fois gros comme l’illustre tonneau de Nuremberg, qui, attelé de vingt-quatre chevaux en flèche, circula toute une journée dans Paris et y promena sa réclame gargantuesque ? — Je me le rappelle parfaitement. — Mais vous souvenez-vous de l’inscription qu’on y lisait en lettres