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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/83

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de cinq coudées ? « Mercier, Épernay, Champagne ». Ce Mercier est le même, le nôtre. — Comment le savez-vous ? — D’abord en fait de « tuyaux », le Commerce n’en laisse à aucun orgue. Et puis je me suis renseigné, hier, en vous quittant. Allez au rendez-vous, mon cher directeur, et soyez-y psychologue, l’homme de ce tonneau est à vous. — J’y serai balzacien, fis-je.

M. Mercier était exact, et il m’attendait à l’entresol du magasin. C’était à cette époque — j’ignore s’il vit encore — un homme un peu froid d’abord, de grande simplicité de manières, sans recherche de costume et de politesse courante. La première impression qu’il me donna fut celle d’un business-man énergique, solidement campé sur les arpions et qui ne laissait à personne le soin d’élaborer sa fortune. Il était certainement de ceux qui se rasent eux-mêmes et qui n’oublient jamais, le soir, de remonter leur montre en se couchant. Rien d’américain cependant, en dépit du yankeesme du tonneau-réclame. L’homme d’affaires à la française, prudent et gagne-petit, du vieux jeu, mais libéral et de parole stricte. Je connaissais le type, pour en avoir vu nombre de spécimens à la Halle aux blés, dans mon enfance, autour de ma bonne grand’mère, et je n’avais qu’à me rappeler comment elle les maniait, en humant sa prise, pour me tenir dans la juste altitude.

— Vous m’avez écrit, commença-t-il pour la sous-location de mon entrepôt. Me voici. Causons. Vous savez le prix, dix-huit mille. C’est ce que je le paie au propriétaire.

— Oh ! lançai-je, désinvolte, ce n’est pas le prix qui me chiffonne. Nous nous arrangerons toujours,