Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/211

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devant cet édifice ! Quel diable d’architecte, ce savant homme de Viollet-le-Duc !

L’« Encrier » est son chef-d’œuvre.

Il faut bien constater aussi que la surprise en vient d’une erreur caractéristique… de caractère.

À Ajaccio, le Napoléon que l’on vient chercher et « dont on a besoin » est le jeune officier corse encore obscur des débuts, l’homme dont rien ne donne à prévoir la destinée surhumaine et formidable. Il y a pétition de principes, comme on dit en rhétorique, à nous l’exhiber prématurément en César, à deux pas de la rue où il est né, rue banale de vieux port italien, où l’on aime à se représenter ses premiers jeux d’enfant. Le contraste désiré par l’orgueil du municipe ne porte point, ou, s’il porte, c’est à peu près comme le fameux métachronisme : « Nous autres, gens du moyen âge… ! »

Même observation d’ailleurs pour l’autre statue de la place du Marché, le Bonaparte premier consul, qui domine la fontaine. Elle n’est pas en situation. Elle ne nous apprend rien que nous ne sachions sans avoir fait le voyage.

On a tout le temps envie de crier aux bons Ajacciens :

« S’il était Romain, il n’était pas Corse. Il faut s’entendre. À moins que vous ne l’ayez vu se promener en chemise. »

La seule statue possible et imaginable de l’empereur à Ajaccio serait, à mon gré, celle qui le représenterait à douze ans, en pleine fleur d’adolescence, à cheval sur une de ces petites juments nerveuses et fougueuses dont l’île a la spécialité et conserve la race. Le Napoléon enfant est ici tout indiqué.

C’est l’enfant prodige de dame Lætitia Ramolino