Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/212

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que nous venons retrouver dans les ombres de la rue Saint-Charles, le gamin au visage pâle, aux yeux brûlants, aux gestes passionnés, qui construisait de petits canons dans sa chambre et dirigeait déjà des batailles entre ses jeunes compatriotes. Celui-là est Corse, et n’est que Corse. Les autres sont pour le continent, et à partir de Brienne, ô enfants de Paoli, il vous échappe.

Mais, à Ajaccio, il n’y a rien que Napoléon, fût-on le plus enragé de ses détracteurs. Je défierais un Lanfrey d’y voir autre chose.

On peut définir cette ville : le souvenir du grand Corse avec des maisons autour.

Pendant que j’y déambulais, il ne me venait que des lambeaux de ces poèmes de Lamartine, de Victor Hugo, de Barbier, avec lesquels nous avons tous été élevés. Lui, toujours lui ! comme disent Les Orientales. L’obsession est permanente. La voix de l’histoire sort des pavés, et l’aile de la légende évente cette baie aux bruits profonds.

Il n’y avait plus d’autre parti à prendre, pour sortir l’obsession fatidique, que d’aller visiter la maison de Bonaparte.

Or voyez jusqu’où monte la puissance évocatrice du rêve !

Cette maison Bonaparte n’existe plus. Elle a été incendiée du vivant même de l’empereur. Celle que l’on va visiter n’a pas une pierre de l’habitacle où il est né. Elle n’est pas même réédifiée exactement sur l’ancien plan. Mais on la visite tout de même.

Il le faut !

Les Anglais en emportent des gravats ; les Français y parlent à voix basse.