à la situation. Les secousses intérieures sortent et se traduisent par des cris vrais, toujours humains et d’une justesse pointilleuse. Comme il traitait un thème actuel, sur une donnée exacte, le prosateur s’est garé de la poésie, il a évité l’écueil du couplet héroïque, de la réplique détonnante, des effets d’acteur, et c’est ainsi qu’il a obtenu cette unité de ton dont je le complimente plus que de tout le reste.
Ne vous y trompez pas, des pièces comme celle-là, depuis Émile Augier, on n’en fait plus. Libre à vous, d’ailleurs, de lui préférer Le Monde où l’on s’ennuie et autres œuvres faciles à monter en voyage. Libre à vous de n’attendre de notre art que des titillations légères propres à accélérer les digestions lourdes et à précipiter la circulation du sang. Trahit sua quemque voluptas, dit le poète, et pour un morceau comme Les Corbeaux, je donnerais sans regret vingt pièces au choix dans le répertoire contemporain.
Les comédiens, dont il faut toujours parler, même lorsque l’on n’a plus rien à en dire, ont été fort braves. Je ne dirai pas qu’ils l’ont sauvée, mais bien qu’ils se sont montrés dignes de l’interpréter. Mlle Reichemberg s’est taillé un triomphe dans le rôle de Blanche. Mlle Barretta a parfaitement incarné celui de Marie, et Mlle Pauline Oranger, en Mme Vigneron, s’est enfin imposée à la Comédie-Française. Thiron et Febvre méritent encore les bravos dont ils ont été assourdis à la première. Enfin cette courageuse étude a été courageusement jouée. Le public seul a caponé.