Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/225

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midable, qui avait juré de les pincer, en dépit des quolibets ironiques de ses compatriotes.

Prendre les Bellacoscia, des gaillards qui, avec un vieux fusil à pierre, vous abattent leur homme à cinq cents mètres, au mitan du front, et qui en remontrent aux renards pour la topographie des grottes et cavernes, c’est un problème dont l’insolubilité pratique équivaut, en Corse, à celle de la décevante quadrature du cercle.

Toujours était-il qu’à cause du farouche brigadier, ces messieurs Bonelli recevaient moins que jamais, au Palais-Vert. « Ils ont arrêté leurs jours ! » me dirent les officiers en me quittant. Et je me levais moi-même pour rentrer à l’hôtel, quand un notable m’aborda.

C’était sans nul doute un personnage très honorable et même considérable d’Ajaccio, car pendant notre colloque tous les passants et promeneurs le saluaient profondément.

— Je vous ai entendu, me dit-il avec le plus affable sourire. Vous désirez voir nos Bellacoscia ! En d’autre temps rien ne serait plus aisé, surtout pour un poète lyrique tel que vous me semblez l’être. Mais en ce moment ils vivent dans des grottes inaccessibles même aux aigles, et que moi-même je ne connais pas. Vous ne pourriez donc visiter que leurs habitations, leurs familles et leurs domaines. Si cela vous suffit, au moins pour cette fois, vous n’avez qu’à me le dire, et ils le sauront avant une heure. Mais j’y pense, vous êtes marié, n’est-ce pas ?

— Marié, oui, et père de famille. Mais quel rapport…?

— Je dois vous avertir que les mœurs en Corse,