Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/24

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rêve de l’amour même, que la nature refuse à la société et qu’invoque en vain l’utopie poétique. Le mâle y parle femelle et la femelle y parle mâle, et tel est l’attrait de ce livre unique qu’il faut appeler : le roman de l’honnête femme moderne.

Quoi qu’il en soit, à tort ou à raison, je lui ai toujours attribué cette portée philosophique. Cet extraordinaire La Rochefoucauld, dont l’œuvre contient, en cent pages à peine, tous les Schopenhauer et les Nietzsche de la terre, se démasque à chaque tournant de page de l’étude, et le peintre, pour ainsi dire, collabore, de touche en touche, au portrait qu’il pose à son illustre maîtresse sous le nom de duc de Nemours.

J’avais toujours été tenté de porter La Princesse de Clèves à la scène, étant ainsi fait, pour mon malheur, que rien ne m’apparaît d’aussi tragique que l’état de la femme chrétienne dans le mariage monogamique, tel que les lois l’imposent à la famille occidentale. Il y a là une réglementation arbitraire des choses de l’amour que tout dément sous le soleil et qui fait de ce qu’on entend par : l’épouse fidèle, la plus douloureuse des martyres. Aimer ailleurs que devant prêtre et notaire, lorsque l’on y est contraint par la force obscure qui mène le monde et les espèces, c’est recevoir de la fatalité le plus rude coup qu’elle assène sur les douces nuques chevelues. Le roman de Mme de Lafayette exhale immortellement la plainte de la fille d’Ève à ce sujet et les fils d’Adam n’en ont pas encore entendu une plus profonde ni une plus fière.

C’est ainsi que j’avais écrit Herminie, et pour me soustraire à cette plainte aux retours tendres, car