Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/321

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gaulois a régné dans l’île et que la superbe vallée du Rizzanese, aujourd’hui vignoble immense et prospère d’où nous viennent à Paris presque tous les vins dits de Corse, a entendu les chants des vellédas prophétiques.

Sartène, élevée de trois cents mètres au-dessus du niveau de la grande cuve à bouillabaisse, n’est en somme qu’une longue terrasse qui, au lieu de border la mer, borde une vallée en précipice. Du haut de cette terrasse, ses quatre mille huit cents vignerons regardent pousser le raisin, en fumant leurs pipes, comme on regarde d’un casino passer les petits bateaux.

Ils peuvent même se payer ce spectacle en supplément, puisqu’ils ont vue sur la rade de Propriano, qui n’est qu’à treize kilomètres.

Pour la population, la ville est la quatrième de l’île et ne cède à Corte que d’un millier d’âmes. Encore se rattrape-t-elle sur la qualité peut-être, car les Sarténois sont de rudes gaillards, trempés d’acier, au physique, et de feu, au moral. Ils sont les plus passionnés de tous les Corses.

Je ne sais pas sur quoi il est permis de plaisanter à Sartène, mais ce n’est pas sur la politique, fichtre ! ni sur la question du banditisme. Ces deux thèmes sont interdits à la plus inoffensive ironie du philosophe. Si l’on exerçait les sous-préfets avant de les utiliser, c’est à Sartène qu’il faudrait les envoyer pour faire leur apprentissage ; et les jours de fête n’y sont pas les jours d’élection. Miséricorde ! En voilà un, de municipe, où la vie publique est active !

Sur la grande place de l’église, qui ressemble à la plate-forme d’une tour, à l’heure sainte de l’apéritif,