Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/330

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trepôt de liège, et j’en ai vu des piles notables sur le quai. On y fait aussi, paraît-il, l’importation du bétail. C’est par Bonifacio qu’entrent en Corse les bœufs et les moutons que la Sardaigne lui envoie.

Le port mesure quinze cents mètres. On vient d’y installer une station de torpilleurs.

De la Marine on atteint la ville haute par une large rampe, dallée d’un côté pour les piétons, et macadamisée de l’autre pour les voitures ; on traverse un pont-levis, on passe deux vieilles portes de bon style, et l’on pénètre dans la palla civitas de Ptolémée.

Si les statistiques n’affirmaient point que trois mille deux cents habitants peuplent ce château du vent, j’estimerais sa population à cent âmes, car je n’en ai pas rencontré davantage, encore comptai-je ceux que j’ai vu au café prendre l’absinthe, et les militaires de la garnison.

On ne fait pas beaucoup d’enfants dans cette antique cité bonifacienne, sans doute parce que le sol y remue trop. Il y a pourtant de jolies filles.

L’hôtel auquel nous demandâmes l’hospitalité est une maison toute nouvelle qui semble avoir à cœur d’effacer des Guides le renom assez mauvais dont jouissent ici les auberges. Nous y fûmes plus qu’honorablement traités. Bon souper, bon gîte et le reste.

Le « Torrione » est la seule qui subsiste des trois tours qu’on voit dans les armes de la ville. Elle en avait trois, sous le comte Boniface, qui la fonda en 833, ce qui n’est pas d’hier. Ce comte, enchanté d’avoir flanqué une pile navale aux Sarrasins dans les eaux du détroit, commémora sa jubilation en taillant une ville dans la craie du promontoire qui rimait avec sa victoire.