Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/43

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mon vieux professeur qui me traitait encore dans les papiers avec clémence et magnanimité, mais je doutais de son jugement, foncièrement pédagogique, et rebelle, d’instinct comme d’éducation, à ma conception propre du Beau en littérature. Cependant Adolphe Dupuis m’ayant assuré que Candeilh ne voyait que par les yeux du critique, que ces yeux me souriaient d’avance et que le déjeuner serait bon, point capital, j’acceptai l’épreuve de cette lecture. J’y avais amené Armand Gouzien et Paul Ollendorff, fourchettes complices et témoins acquis. Les six autres couverts étaient destinés à des dames corybantes, familières du temple et tresseuses de pampre du Silène. Nul n’était plus méthodique dans la vie quotidienne que cet abatteur de copie herculéen dont l’œuvre, s’il était réuni et réunissable, formerait une Encyclopédie de la Routine. Sur les sept déjeuners de la semaine, il en donnait deux à la famille. Présidés par la bonne maman Sarcey, ils étaient suivis d’une partie de ce vieux trictrac qu’on ne jouait déjà plus nulle part ailleurs que là, et dont il s’estimait le Philidor ou le La Bourdonnais. Les autres jours, le café pris, « on y allait » d’un tour de valse rythmée sur la boîte sonore par les doigts fuselés d’une gammifère. L’Oncle adorait la danse, et si bedonnant qu’il fût, il excellait, dans les tourbillons, à courber les tailles flexibles. Ces valses se déroulaient d’ailleurs autour de l’ours empaillé qui était l’objet d’art de son atelier-bibliothèque. Il lui avait été offert par un « groupe d’admirateurs », et, fort bon compagnon, il en honorait gaiement le symbolisme. L’ours, la valse, le trictrac et la chanson de Béranger, voilà tout Francisque Sarcey et je ne