Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trois millions à la tête pour un vœu distrait échappé à ma fatigue. Il est encore à ma décharge que je revenais de Bruxelles un peu déconforté, n’ayant, en onze représentations thésaurisé sur mes droits d’auteur d’Herminie que 492 fr. 55 exactement.

Or donc, en cette chronique, je m’étais laissé aller, avant l’âge, à envier ceux qui, retirés de la lutte, peuvent réaliser à la campagne le rêve rustique des surmenés, y connaître la douceur des jours sans copie et, suave mari magno, y lire les livres ou articles des autres, comme on regarde des régates. Je n’avais pourtant alors que vingt ans de journalisme militant, ce qui est peu pour un Sisyphe de carrière, et mon ouf était fait pour offenser les dieux. Je l’ai racheté par vingt-cinq autres années de polygraphie volante et, comme vous voyez, j’expie encore.

Pourtant, il n’était pas outrecuidamment ambitieux, mon hoc erat in volis de retraite. Je n’ajoutais au carré de choux que la saucisse, avec autour, comme dit Goncourt, les bonnes bêtes philosophiques de l’Arche diluvienne, le chien, le chat et les volailles, compagnons doux, du commerce desquels la clémente nature vivifie les solitudes humaines. Encore aujourd’hui c’est au plus si, passé grand-père, j’y voudrais le surcroît d’un crédit illimité chez le marchand de joujoux de la ville la plus proche. Ma dernière copie serait pour l’acquérir. Mais venons à mon héritage.

Voici d’abord la chronique fantaisiste qui me le décrocha de la lune, ce fut le Gil Blas qui l’édita.


« Je rencontre souvent des personnes tristes qui me demandent pourquoi diable ! je suis gai.