Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est, leur réponds-je, qu’un oncle que j’adorais est mort, et que j’en hérite.

Alors, elles s’en vont satisfaites, ce par où je vois qu’elles ont, de la gaieté, les idées qu’il en faut avoir.

La vérité est que, je n’ai pas d’oncle et que, si j’en avais un, il serait probablement à ma charge. Je l’aimerais tout de même, s’il était aimable, et je ne serais, de son vivant, ni plus ni moins gai qu’après sa mort. Et, cependant, il doit être doux d’hériter, ainsi du moins que je me le figure, je veux dire pour le talent qu’on croit avoir et en récompense du plaisir que ce talent a procuré à un lecteur inconnu. Ces choses arrivent ! Plusieurs de mes confrères ont eu cette joie d’être libérés du collier de misère par des dilettantes de lettres généreux qu’ils n’avaient même pas à pleurer. Et ça, c’est l’idéal du genre. Oui, l’on en cite quelques-uns d’entre nous à qui des connaisseurs célibataires ont laissé vingt-cinq mille livres de rentes, pour rien, pour le plaisir. Ah ! j’en cherche un !…

En général, cette aubaine n’échoit qu’à des écrivains politiques — ou à des musiciens. Pourquoi ? On n’en sait rien même chez les notaires. Si la musique adoucit les mœurs, la politique les enrage. Mais il paraît que l’on n’a d’oncles qu’à ce prix dans les Amériques du rêve, j’entends d’oncles honoraires dont on soit le neveu posthume. Il faut gueuler, d’une façon ou d’une autre, mais gueuler en somme. C’est très cher, ces successions gratuites !

On a souvent conté l’histoire de ce compositeur au nom arabe qui, un matin, où il ne savait plus à quel éditeur offrir ses bémols, se trouva, pour une chan-