Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/93

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M. Alexandre Dumas fils et je lui soumis mon travail.

« Mon cher Bergerat.

« J’ai donc lu votre pièce. C’est, à mon avis, rempli de talent, d’esprit et d’observation ; mais à partir de la scène trois du dernier acte, ça ne va plus du tout et le public ne comprendrait plus. C’est de la psychologie quintessenciée dont le théâtre ne s’accommode pas ; c’est du domaine du livre. Sans compter que le public a horreur du viol au théâtre. Barrière a fait une pièce remarquable, L’Outrage, qui n’a jamais pu réussir à cause de la donnée. La Haine de Sardou avait eu le même sort pour la même raison et je suis venu me casser le nez, dans Balsamo, contre la même difficulté. Cela ne serait rien cependant et vous pourriez parfaitement réussir là où d’autres ont échoué, si vous apportiez à ce fait brutal du viol une solution nouvelle.

« Il n’y en a qu’une, celle que Barrière avait trouvée : le violeur tué par le mari au pied du lit où le crime avait été consommé et en présence de la femme, tendant l’épée au mari et lui disant : « Tue-le ! » Mais le dénouement purement psychologique, non ! Et le mari qui reste en face d’une femme enceinte, et enceinte de qui ? — d’un laquais, et qui va élever cet enfant ? Le saint Vincent de Paul des cocus ! Jamais vous ne ferez accepter tout cela. (Ici M. Alexandre Dumas se trompe, Gilberte n’est pas enceinte de Brutus dans la pièce, mais bien de son mari même, et dans le roman aussi !)

« Votre comparaison de la poire dans laquelle le goujat a mordu est tellement juste que vous ne