Page:Bergson - Durée et simultanéité.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

multiplicité des Temps que j’obtiens ainsi n’empêche pas l’unité du temps réel ; elle la présupposerait plutôt, de même que la diminution de la taille avec la distance, sur une série de toiles où je représenterais Jacques plus ou moins éloigné, indiquerait que Jacques conserve la même grandeur.

Ainsi s’efface la forme paradoxale qui a été donnée à la théorie de la pluralité des Temps. « Supposez, a-t-on dit, un voyageur enfermé dans un projectile qui serait lancé de Terre avec une vitesse inférieure d’un vingt millième environ à celle de la lumière, qui rencontrerait une étoile et qui serait renvoyé à la Terre avec la même vitesse. Ayant vieilli de deux ans par exemple quand il sortira de son projectile, il trouvera que c’est de deux cents ans qu’a vieilli notre globe. » — En est-on bien sûr ? Regardons de plus près. Nous allons voir s’évanouir l’effet de mirage, car ce n’est pas autre chose.

Le boulet est parti d’un canon attaché à la Terre immobile. Appelons Pierre le personnage qui reste près du canon, la Terre étant alors notre système . Le voyageur enfermé dans le boulet devient ainsi notre personnage Paul. On s’est placé, disions-nous, dans l’hypothèse où Paul reviendrait après deux cents ans vécus par Pierre. On a donc considéré Pierre vivant et conscient : ce sont bien deux cents ans de son flux intérieur qui se sont écoulés pour Pierre entre le départ et le retour de Paul.

Passons alors à Paul. Nous voulons savoir combien