Page:Bergson - Durée et simultanéité.djvu/16

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universel, elle s’harmonisait avec cette croyance très naturellement. C’étaient donc un peu les idées de tout le monde que nous allions confronter avec la théorie d’Einstein. Et le côté par où cette théorie semble froisser l’opinion commune passait alors au premier plan : nous aurions à nous appesantir sur les « paradoxes » de la théorie de la Relativité, sur les Temps multiples qui coulent plus ou moins vite, sur les simultanéités qui deviennent des successions et les successions des simultanéités quand on change de point de vue. Ces thèses ont un sens physique bien défini : elles disent ce qu’Einstein a lu, par une intuition géniale, dans les équations de Lorentz. Mais quelle en est la signification philosophique ? Pour le savoir, nous prîmes les formules de Lorentz terme par terme, et nous cherchâmes à quelle réalité concrète, à quelle chose perçue ou perceptible, chaque terme correspondait. Cet examen nous donna un résultat assez inattendu. Non seulement les thèses d’Einstein ne paraissaient plus contredire, mais encore elles confirmaient, elles accompagnaient d’un commencement de preuve la croyance naturelle des hommes à un Temps unique et universel. Elles devaient simplement à un malentendu leur aspect paradoxal. Une confusion semblait s’être produite, non pas certes chez Einstein lui-même, non pas chez