Page:Bergson - Durée et simultanéité.djvu/304

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a un temps parfaitement définissable quand il constitue un système, puisqu’alors, portant le physicien, il ne « tourne » pas : ce temps est le temps réel que marquent effectivement toutes les horloges, réelles et par conséquent synchrones, du système. Il ne cesse d’avoir un temps définissable que lorsqu’il « tourne », le physicien s’étant transporté au point immobile . Mais alors ce n’est plus un système, c’est une infinité de systèmes ; et l’on y trouvera naturellement une infinité de Temps, tous fictifs, en lesquels se sera pulvérisé ou plutôt évaporé le Temps réel.

En résumé, de deux choses l’une. Ou le disque est censé tourner et la gravitation s’y résout en inertie : alors on l’envisage du dehors ; le physicien vivant et conscient n’y habite pas ; les Temps qui s’y déroulent ne sont que des Temps représentés ; il y en aura évidemment une infinité ; le disque ne constituera d’ailleurs pas un système ou un objet, ce sera le nom que nous donnons à une collectivité ; nous aurons, pour l’application des formules de Lorentz, autant de systèmes distincts que de points matériels animés de vitesses différentes. Ou bien ce même disque tournant est censé immobile : l’inertie de tout à l’heure y devient alors gravitation ; le physicien réel y habite ; c’est bien un système unique ; le Temps qu’on y trouve est du Temps vécu et réel. Mais alors on y trouve partout le même Temps.