Page:Bergson - Durée et simultanéité.djvu/97

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images plates l’occupant chacune tout entière : la rapidité de succession de ces images pourra encore devenir infinie, et d’un univers qui se déroule nous passerons encore à un univers déroulé, pourvu que nous soit accordée une dimension supplémentaire. Nous aurons alors, empilées les unes sur les autres, toutes les toiles sans fin nous donnant toutes les images successives qui composent l’histoire entière de l’univers ; nous les posséderons ensemble ; mais d’un univers plat nous aurons dû passer à un univers volumineux. On comprend donc facilement comment le seul fait d’attribuer au temps une rapidité infinie, de substituer le déroulé au déroulement, nous contraindrait à doter notre univers solide d’une quatrième dimension. Or, par cela seul que la science ne peut pas spécifier la « rapidité de déroulement » du temps, qu’elle compte des simultanéités mais laisse nécessairement de côté les intervalles, elle porte sur un temps dont nous pouvons aussi bien supposer la rapidité de déroulement infinie, et par là elle confère virtuellement à l’espace une dimension additionnelle.

Immanente à notre mesure du temps est donc la tendance à en vider le contenu dans un espace à quatre dimensions où passé, présent et avenir seraient juxtaposés ou superposés de toute éternité. Cette tendance exprime simplement notre impuissance à traduire mathématiquement le temps lui-même, la nécessité où nous sommes de lui substituer,