Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/146

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de savoir en quel sens le moi se perçoit comme cause déterminante. Mais à côté de cette question d’ordre psychologique, il en est une autre, de nature plutôt métaphysique, que les déterministes et leurs adversaires résolvent a priori en sens opposés. L’argumentation des premiers implique, en effet, qu’à des antécédents donnés un seul acte possible correspond ; les partisans du libre arbitre supposent, an contraire, que la même série pouvait aboutir à plusieurs actes différents, également possibles. C’est sur cette question de l’égale possibilité, de deux actions ou de deux volitions contraires que nous nous arrêterons d’abord : peut-être recueillerons-nous ainsi quelque indication sur la nature de l’opération par laquelle la volonté choisit.

J’hésite entre deux actions possibles X et Y, et je vais tour à tour de l’une à l’autre. Cela signifie que je passe par une série d’états, et que ces états se peuvent répartir en deux groupes, selon que j’incline davantage vers X ou vers le parti contraire. Même, ces inclinations opposées ont seules une existence réelle, et X et Y sont deux symboles par lesquels je représente, à leurs points d’arrivée pour ainsi dire, deux tendances différentes de ma personne à des moments successifs de la durée. Désignons donc par X et Y ces tendances elles-mêmes : notre nouvelle notation présentera-t-elle une image plus fidèle de la réalité concrète ? Il faut remarquer, comme nous le disions plus haut, que le moi grossit, s’enrichit et change, à mesure qu’il passe par les deux états contraires ; sinon, comment se déciderait-il jamais ? Il n’y a donc pas précisément deux états contraires, mais bien une multitude d’états successifs et différents au sein desquels je démêle, par un effort d’imagination, deux directions opposées. Dès lors, nous nous rapprocherons plus encore de la réalité en convenant de désigner par les signes invariables