Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

naturelle ou tout au moins plausible, la croyance à la liberté humaine. Mais cette dernière conséquence ne nous préoccupera pas pour le moment ; nous cherchons seulement à déterminer ici le premier sens du mot causalité, et nous pensons avoir montré que la préformation de l’avenir dans le présent se conçoit sans peine sous forme mathématique, grâce à une certaine conception de la durée qui est, sans qu’il y paraisse, assez familière au sens commun.

Mais il y a une préformation d’un autre genre, plus familière encore à notre esprit, parce que la conscience immédiate nous en fournit l’image. Nous passons, en effet, par des états de conscience successifs, et, bien que le suivant n’ait point été contenu dans le précédent, nous nous en représentions alors plus ou moins confusément l’idée. La réalisation de cette idée n’apparaissait d’ailleurs pas comme certaine, mais simplement comme possible. Toutefois, entre l’idée et l’action sont venus se placer des intermédiaires à peine sensi­bles, dont l’ensemble prend pour nous cette forme sui generis qu’on appelle sentiment de l’effort. Et de l’idée à l’effort, de l’effort à l’acte, le progrès a été si continu que nous ne saurions dire où l’idée et l’effort se terminent, où l’acte commence. On conçoit donc qu’en un certain sens on puisse encore dire ici que l’avenir était préformé dans le présent ; mais il faudra ajouter que cette préformation est fort imparfaite, puisque l’action future dont on a l’idée présente est conçue comme réalisable mais non pas comme réalisée, et que, même lorsqu’on esquisse l’effort nécessaire pour l’accomplir, on sent bien qu’il est encore temps de s’arrêter. Si donc on se décide à concevoir sous cette seconde forme la relation causale, on peut affirmer a priori qu’il n’y aura plus entre la cause et l’effet un rapport de détermination nécessaire, car l’effet ne sera plus donné dans la cause. Il n’y résidera qu’à l’état de pur possible, et comme une représentation confuse qui