Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/46

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comme des points de l’espace qu’on atteindrait l’un après l’autre par des sauts brusques, en franchissant chaque fois un intervalle vide qui les sépare : et c’est pourquoi vous établissez des intervalles entre les notes de la gamme. Reste à savoir, il est vrai, pourquoi la ligne sur laquelle nous les échelonnons est verticale plutôt qu’horizontale, et pourquoi nous disons que le son monte dans certains cas, descend dans d’autres. Il est incontestable que les notes aiguës nous paraissent produire des effets de résonance dans la tête, et les notes graves dans la cage thoracique ; cette perception, réelle ou illusoire, a contribué sans doute à nous faire compter verticalement les intervalles. Mais il faut remarquer aussi que, plus l’effort de tension des cordes vocales est considérable dans la voix de poitrine, plus grande est la surface du corps qui s’y intéresse chez le chanteur inexpérimenté ; c’est même pourquoi l’effort est senti par lui comme plus intense. Et comme il expire l’air de bas en haut, il attribuera la même direction au son que le courant d’air produit ; c’est donc par un mouvement de bas en haut que se traduira la sympathie d’une plus grande partie du corps avec les muscles de la voix. Nous dirons alors que la note est plus haute, parce que le corps fait un effort comme pour atteindre un objet plus élevé dans l’espace. L’habitude s’est ainsi contractée d’assigner une hauteur à chaque note de la gamme, et le jour où le physicien a pu la définir par le nombre de vibrations auxquelles elle correspond dans un temps donné, nous n’avons plus hésité à dire que notre oreille percevait directement des différences de quantité. Mais le son resterait qualité pure, si nous n’y intro­duisions l’effort musculaire qui le produirait, ou la vibration qui l’explique.

Les expériences récentes de Blix, Goldscheider et Donaldson[1] ont montré que ce ne sont pas les mêmes

  1. On the temperature sense, Mind. 1885.