Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/63

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un certain côté ; les deux termes que l’on compare sont en présence l’un de l’autre comme dans une soustraction de deux nombres. Supposez maintenant que ces sensations soient de même nature, et que constamment, dans notre expérience passée, nous ayons assisté à leur défilé, pour ainsi dire, pendant que l’excitation physique croissait d’une manière continue : il est infiniment probable que nous mettrons la cause dans l’effet, et que l’idée de contraste viendra se fondre dans celle de différence arithmétique. Comme, d’autre part, nous aurons remarqué que la sensation changeait brusquement tandis que le progrès de l’excitation était continu, nous évalue­rons sans doute la distance entre deux sensations données par le nombre, grossièrement reconstitué, de ces sauts brusques, ou tout au moins des sensations intermédiaires qui nous servent le plus ordinairement de jalons. En résumé, le contraste nous apparaîtra comme une différence, l’excitation comme une quantité, le saut brusque comme un élément d’égalité, combinant ces trois facteurs ensemble, nous aboutirons à l’idée de différences quanti­tatives égales. Or, nulle part ces conditions ne sont aussi bien réalisées que lorsque des surfaces de même couleur, plus ou moins éclairées, se présentent à nous simultanément. Non seulement il y a ici contraste entre sensations analogues, mais ces sensations correspondent à une cause dont l’influence nous a toujours paru étroitement liée à sa distance ; et comme cette distance peut varier d’une manière continue, nous avons dû noter, dans notre expé­rience passée, une innombrable multitude de nuances de sensation se succédant le long d’un accroissement continu de la cause. Nous pourrons donc dire que le contraste d’une première teinte grise avec une seconde, par exemple, nous paraît à peu près égal au contraste de la seconde avec une troisième ; et si l’on définit deux sensations égales en disant que ce sont des sensations qu’un raisonnement plus ou moins