Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/203

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l’esprit ne travaille que dans la conversion du schéma en images. Les états par lesquels il passe correspondent donc à autant d’essais tentés par des images pour s’insérer dans le schéma, ou encore, dans certains cas au moins, à autant de modifications acceptées par le schéma pour obtenir la traduction en images. Dans cette hésitation toute spéciale doit se trouver la caractéristique de l’effort intellectuel.

Je ne puis mieux faire que de reprendre ici, en l’adaptant aux considéra­tions qu’on vient de lire, une idée intéressante et profonde émise par M. Dewey dans son étude sur la psychologie de l’effort[1]. Il y aurait effort, d’après M. Dewey, toutes les fois que nous faisons servir des habitudes acquises à l’apprentissage d’un exercice nouveau. Plus particulièrement, s’il s’agit d’un exercice du corps, nous ne pouvons l’apprendre qu’en utilisant ou en modifiant certains mouvements auxquels nous sommes déjà accoutumés. Mais l’habitude ancienne est là : elle résiste à la nouvelle habitude que nous voulons contracter au moyen d’elle. L’effort ne ferait que manifester cette lutte de deux habitudes, à la fois différentes et semblables.

Exprimons cette idée en fonction de schémas et d’images ; appliquons-la sous cette nouvelle forme à l’effort corporel, celui dont s’est surtout préoccupé l’auteur ; et voyons si l’effort corporel et l’effort intellectuel ne s’éclaireraient pas ici l’un l’autre.

Comment procédons-nous pour apprendre tout seuls un exercice com­plexe, tel que la danse ? Nous commençons par regarder danser. Nous obtenons ainsi une per-

  1. Dewey, The psychology of effort, Philosophical Review, janvier 1897.