Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/202

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images mêmes que le schéma doit attirer pour se donner un corps. Mais, que le schéma soit fixe ou mobile, c’est pendant son développement en images que surgit le sentiment d’effort intellectuel.

En rapprochant ces conclusions des précédentes, on aboutirait à une formule du travail intellectuel, c’est-à-dire du mouvement d’esprit qui peut, dans certains cas, s’accompagner d’un sentiment d’effort : Travailler intellec­tuellement consiste à conduire une même représentation à travers des plans de conscience différents dans une direction qui va de l’abstrait au concret, du schéma à l’image. Reste à savoir dans quels cas spéciaux ce mouvement de l’esprit (qui enveloppe peut-être toujours un sentiment d’effort, mais souvent trop léger ou trop familier pour être perçu distinctement) nous donne la conscience nette d’un effort intellectuel.

À cette question le simple bon sens répond qu’il y a effort, en plus du travail, quand le travail est difficile. Mais à quel signe reconnaît-on la diffi­culté du travail ? À ce que le travail « ne va pas tout seul », à ce qu’il éprouve une gêne ou rencontre un obstacle, enfin à ce qu’il met plus de temps qu’on ne voudrait à atteindre le but. Qui dit effort dit ralentissement et retard. D’autre part, on pourrait s’installer dans le schéma et attendre indéfiniment l’image, on pourrait ralentir indéfiniment le travail, sans se donner ainsi la conscience d’un effort. Il faut donc que le temps d’attente soit rempli d’une certaine manière, c’est-à-dire qu’une diversité toute particulière d’états s’y succèdent. Quels sont ces états ? Nous savons qu’il y a ici mouvement du schéma aux images, et que