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L’HÉRÉDITÉ DE L’ACQUIS

tébré. Admettons pourtant cette conception du processus évolutif pour les animaux : comment l’étendra-t-on au monde des plantes ? Ici les variations de forme ne paraissent pas impliquer ni entraîner toujours des changements fonctionnels, et, si la cause de la variation est d’ordre psychologique, il est difficile de l’appeler encore effort, à moins d’élargir singulièrement le sens du mot. La vérité est qu’il faut creuser sous l’effort lui-même et chercher une cause plus profonde.

Il le faut surtout, croyons-nous, si l’on veut arriver à une cause de variations régulièrement héréditaires. Nous n’entrerons pas ici dans le détail des controverses relatives à la transmissibilité des caractères acquis ; encore moins voudrions-nous prendre trop nettement parti dans une question qui n’est pas de notre compétence. Nous ne pouvons cependant nous en désintéresser complètement. Nulle part ne se fait mieux sentir l’impossibilité pour les philosophes de s’en tenir aujourd’hui à de vagues généralités, l’obligation pour eux de suivre les savants dans le détail des expériences et d’en discuter avec eux les résultats. Si Spencer avait commencé par se poser la question de l’hérédité des caractères acquis, son évolutionisme aurait sans doute pris une tout autre forme. Si (comme cela nous parait probable) une habitude contractée par l’individu ne se transmettait à ses descendants que dans des cas très exceptionnels, toute la psychologie de Spencer serait à refaire, une bonne partie de sa philosophie s’écroulerait. Disons donc comment le problème nous paraît se poser, et dans quel sens il nous semble qu’on pourrait chercher à le résoudre.

Après avoir été affirmée comme un dogme, la transmissibilité des caractères acquis a été niée non moins dogmatiquement, pour des raisons tirées a priori de la