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LA PLANTE ET L’ANIMAL

trancher. Mais, en comparant les diverses solutions entre elles, on verra que la controverse porte plutôt sur le détail que sur les grandes lignes. En suivant les grandes lignes d’aussi près que possible, nous serons donc sûrs de ne pas nous égarer. Elles seules nous importent d’ailleurs, car nous ne visons pas, comme le naturaliste, à retrouver l’ordre de succession des diverses espèces, mais seulement à définir les directions principales de leur évolution. Encore ces directions n’ont-elles pas toutes pour nous le même intérêt : c’est de la voie qui conduit à l’homme que nous devons nous occuper plus particulièrement. Nous ne perdrons donc pas de vue, en les suivant les unes et les autres, qu’il s’agit surtout de déterminer le rapport de l’homme à l’ensemble du règne animal, et la place du règne animal lui-même dans l’ensemble du monde organisé.

Pour commencer par le second point, disons qu’aucun caractère précis ne distingue la plante de l’animal. Les essais tentés pour définir rigoureusement les deux règnes ont toujours échoué. Il n’est pas une seule propriété de la vie végétale qui ne se soit retrouvée, à quelque degré, chez certains animaux, pas un seul trait caractéristique de l’animal qu’on n’ait pu observer chez certaines espèces, ou à certains moments, dans le monde végétal. On comprend donc que des biologistes épris de rigueur aient tenu pour artificielle la distinction entre les deux règnes. Ils auraient raison, si la définition devait se faire ici comme dans les sciences mathématiques et physiques, par certains attributs statiques que l’objet défini possède et que les autres ne possèdent pas. Bien différent, à notre avis, est le genre de définition qui convient aux sciences de la vie. Il n’y a guère de manifestation de la vie qui ne con-