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LES DIRECTIONS DE L’ÉVOLUTION

maux. Si la conscience s’endort chez l’animal qui a dégénéré en parasite immobile, inversement elle se réveille, sans doute, chez le végétal qui a reconquis la liberté de ses mouvements, et elle se réveille dans l’exacte mesure où le végétal a reconquis cette liberté. Conscience et inconscience n’en marquent pas moins les directions où se sont développés les deux règnes, en ce sens que, pour trouver les meilleurs spécimens de la conscience chez l’animal, il faut monter jusqu’aux représentants les plus élevés de la série, au lieu que, pour découvrir des cas probables de conscience végétale, il faut descendre aussi bas que possible dans l’échelle des plantes, arriver aux zoospores des Algues, par exemple, et plus généralement à ces organismes unicellulaires dont on peut dire qu’ils hésitent entre la forme végétale et l’animalité. De ce point de vue, et dans cette mesure, nous définirions l’animal par la sensibilité et la conscience éveillée, le végétal par la conscience endormie et l’insensibilité.

En résumé, le végétal fabrique directement des substances organiques avec des substances minérales : cette aptitude le dispense en général de se mouvoir et, par là même, de sentir. Les animaux, obligés d’aller à la recherche de leur nourriture, ont évolué dans le sens de l’activité locomotrice et par conséquent d’une conscience de plus en plus ample, de plus en plus distincte.

Maintenant, que la cellule animale et la cellule végétale dérivent d’une souche commune, que les premiers organismes vivants aient oscillé entre la forme végétale et la forme animale, participant de l’une et de l’autre à la fois, cela ne nous parait pas douteux. Nous venons, en effet, de voir que les tendances caractéristiques de l’évolution des deux règnes, quoique divergentes, coexistent encore aujour-