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SCHÉMA DE LA VIE ANIMALE

chaînes d’éléments nerveux placés bout à bout. Or, l’élément nerveux s’est dégagé peu à peu de la masse à peine différenciée du tissu organisé. On peut donc conjecturer que c’est en lui et en ses annexes que se concentre, dès qu’il apparaît, la faculté de libérer brusquement l’énergie accumulée. À vrai dire, toute cellule vivante dépense sans cesse de l’énergie à se maintenir en équilibre. La cellule végétale, assoupie dès le début, s’absorbe tout entière dans ce travail de conservation, comme si elle prenait pour fin ce qui ne devait d’abord être qu’un moyen. Mais, chez l’animal, tout converge à l’action, c’est-à-dire à l’utilisation de l’énergie pour des mouvements de translation. Sans doute, chaque cellule animale dépense à vivre une bonne partie de l’énergie dont elle dispose, souvent même toute cette énergie ; mais l’ensemble de l’organisme voudrait en attirer le plus possible sur les points où s’accomplissent les mouvements de locomotion. De sorte que, là où existe, un système nerveux avec les organes sensoriels et les appareils moteurs qui lui servent d’appendices, tout doit se passer comme si le reste du corps avait pour fonction essentielle de préparer pour eux, afin de la leur transmettre au moment voulu, la force qu’ils mettront en liberté par une espèce d’explosion.

Le rôle de l’aliment chez les animaux supérieurs est en effet extrêmement complexe. Il sert d’abord à réparer les tissus. Il fournit ensuite à l’animal la chaleur dont il a besoin pour se rendre aussi indépendant que possible des variations de la température extérieure. Par là, il conserve, entretient et soutient l’organisme où le système nerveux est inséré et sur lequel les éléments nerveux doivent vivre. Mais ces éléments nerveux n’auraient aucune raison d’être si cet organisme ne leur passait pas, à eux-