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LES DIRECTIONS DE L’ÉVOLUTION

mêmes et surtout aux muscles qu’ils actionnent, une certaine énergie à dépenser, et l’on peut même conjecturer que c’est là, en somme, la destination essentielle et ultime de l’aliment. Cela ne veut pas dire que la part la plus considérable de l’aliment s’emploie à ce travail. Un état peut avoir à faire des dépenses énormes pour assurer la rentrée de l’impôt ; la somme dont il disposera, défalcation faite des frais de perception, sera peut-être minime ; elle n’en est pas moins la raison d’être de l’impôt et de tout ce qu’on a dépensé pour en obtenir la rentrée. Ainsi pour l’énergie que l’animal demande aux substances alimentaires.

Bien des faits nous paraissent indiquer que les éléments nerveux et musculaires occupent cette place vis-à-vis du reste de l’organisme. Jetons d’abord un coup d’œil sur la répartition des substances alimentaires entre les divers éléments du corps vivant. Ces substances se divisent en deux catégories, les unes quaternaires ou albuminoïdes, les autres ternaires, comprenant les hydrates de carbone et les graisses. Les premières sont proprement plastiques, destinées à refaire les tissus, — encore qu’elles puissent, en raison du carbone qu’elles contiennent, devenir énergétiques à l’occasion. Mais la fonction énergétique est plus spécialement dévolue aux secondes : celles-ci, se déposant dans la cellule plutôt que s’incorporant à sa substance, lui apportent, sous forme de potentiel chimique, une énergie de puissance qui se convertira directement en mouvement ou en chaleur. Bref, les premières ont pour rôle principal de refaire la machine, les secondes lui fournissent l’énergie. Il est naturel que les premières n’aient pas de lieu d’élection privilégié, puisque toutes les pièces de la machine ont besoin d’être entretenues. Mais il n’en est pas de même des secondes. Les hydrates de carbone