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DÉVELOPPEMENT DE L’ANIMALITÉ

Pour définir ces puissances, il faut considérer, dans l’évolution des Arthropodes et dans celle des Vertébrés, les espèces qui marquent, de part et d’autre, le point culminant. Comment déterminer ce point ? Ici encore on fera fausse route si l’on vise à la précision géométrique. Il n’existe pas de signe unique et simple auquel on puisse reconnaître qu’une espèce est plus avancée qu’une autre sur une même ligne d’évolution. Il y a des caractères multiples, qu’il faut comparer entre eux et peser dans chaque cas particulier, pour savoir jusqu’à quel point ils sont essentiels ou accidentels, et dans quelle mesure il convient d’en tenir compte.

Il n’est pas contestable, par exemple, que le succès soit le criterium le plus général de la supériorité, les deux termes étant, jusqu’à un certain point, synonymes l’un de l’autre. Par succès il faut entendre, quand il s’agit de l’être vivant, une aptitude à se développer dans les milieux les plus divers, à travers la plus grande variété possible d’obstacles, de manière à couvrir la plus vaste étendue possible de terre. Une espèce qui revendique pour domaine la terre entière est véritablement une espèce dominatrice et par conséquent supérieure. Telle est l’espèce humaine, qui représentera le point culminant de l’évolution des Vertébrés. Mais tels sont aussi, dans la série des Articulés, les Insectes et en particulier certains Hyménoptères. On a dit que les Fourmis étaient maîtresses du sous-sol de la terre, comme l’homme est maître du sol.

D’autre part, un groupe d’espèces apparu sur le tard peut être un groupe de dégénérés, mais il faut pour cela qu’une cause spéciale de régression soit intervenue. En droit, ce groupe serait supérieur au groupe dont il dérive, puisqu’il correspondrait à un stade plus avancé de l’évolution. Or, l’homme est probablement le dernier venu des