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DE LA SIGNIFICATION DE LA VIE

sance et la théorie du connu, entre la métaphysique et la science.


À première vue, il peut paraître prudent d’abandonner à la science positive la considération des faits. La physique et la chimie s’occuperont de la matière brute, les sciences biologiques et psychologiques étudieront les manifestations de la vie. La tâche du philosophe est alors nettement circonscrite. Il reçoit, des mains du savant, les faits et les lois, et, soit qu’il cherche à les dépasser pour en atteindre les causes profondes, soit qu’il croie impossible d’aller plus loin et qu’il le prouve par l’analyse même de la connaissance scientifique, dans les deux cas il a pour les faits et pour les relations, tels que la science les lui transmet, le respect que l’on doit à la chose jugée. À cette connaissance il superposera une critique de la faculté de connaître et aussi, le cas échéant, une métaphysique : quant à la connaissance même, dans sa matérialité, il la tient pour affaire de science et non pas de philosophie.

Mais comment ne pas voir que cette prétendue division du travail revient à tout brouiller et à tout confondre ? La métaphysique ou la critique que le philosophe se réserve de faire, il va les recevoir toutes faites de la science positive, déjà contenues dans les descriptions et les analyses dont il a abandonné au savant tout le souci. Pour n’avoir pas voulu intervenir, dès le début, dans les questions de fait, il se trouve réduit, dans les questions de principe, à formuler purement et simplement en termes plus précis la métaphysique et la critique inconscientes, partant inconsistantes, que dessine l’attitude même de la science vis-à-vis de la réalité. Ne nous laissons pas duper par une apparente analogie entre les choses de la nature et les choses humaines. Nous ne