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DE LA SIGNIFICATION DE LA VIE

consiste à retrouver laborieusement, en métaphysique, une unité qu’on a commencé par poser a priori, une unité qu’on a admise aveuglément, inconsciemment, par cela seul qu’on abandonnait toute l’expérience à la science et tout le réel à l’entendement pur.

Commençons, au contraire, par tracer une ligne de démarcation entre l’inerte et le vivant. Nous trouverons que le premier entre naturellement dans les cadres de l’intelligence, que le second ne s’y prête qu’artificiellement, que dès lors il faut adopter vis-à-vis de celui-ci une attitude spéciale et l’examiner avec des yeux qui ne sont pas ceux de la science positive. La philosophie envahit ainsi le domaine de l’expérience. Elle se mêle de bien des choses qui, jusqu’ici, ne la regardaient pas. Science, théorie de la connaissance et métaphysique vont se trouver portées sur le même terrain. Il en résultera d’abord une certaine confusion parmi elles. Toutes trois croiront d’abord y avoir perdu quelque chose. Mais toutes trois finiront par tirer profit de la rencontre.

La connaissance scientifique, en effet, pouvait s’enorgueillir de ce qu’on attribuait une valeur uniforme à ses affirmations dans le domaine entier de l’expérience. Mais, précisément parce que toutes se trouvaient placées au même rang, toutes finissaient par y être entachées de la même relativité. Il n’en sera plus de même quand on aura commencé par faire la distinction qui, selon nous, s’impose. L’entendement est chez lui dans le domaine de la matière inerte. Sur cette matière s’exerce essentiellement l’action humaine, et l’action, comme nous le disions plus haut, ne saurait se mouvoir dans l’irréel. Ainsi, pourvu que l’on ne considère de la physique que sa forme générale, et non pas le détail de sa réalisation, on peut dire qu’elle touche à l’absolu. Au contraire, c’est par