mot concept son sens propre — s’enfermer dans une représentation conceptuelle.
Essayons, un instant, d’en faire une multiplicité. Il faudra ajouter que les termes de cette multiplicité, au lieu de se distinguer comme ceux d’une multiplicité quelconque, empiètent les uns sur les autres, que nous pouvons sans doute, par un effort d’imagination, solidifier la durée une fois écoulée, la diviser alors en morceaux qui se juxtaposent et compter tous les morceaux, mais que cette opération s’accomplit sur le souvenir figé de la durée, sur la trace immobile que la mobilité de la durée laisse derrière elle, non sur la durée même. Avouons donc, s’il y a ici une multiplicité, que cette multiplicité ne ressemble à aucune autre. Dirons-nous alors que la durée a de l’unité ? Sans doute une continuité d’éléments qui se prolongent les uns dans les autres participe de l’unité autant que de la multiplicité, mais cette unité mouvante, changeante, colorée, vivante, ne ressemble guère à l’unité abstraite, immobile et vide, que circonscrit le concept d’unité pure. Conclurons-nous de là que la durée doit se définir par l’unité et la multiplicité tout à la fois ? Mais, chose singulière, j’aurai beau manipuler les deux concepts, les doser, les combiner diversement ensemble, pratiquer sur eux les plus subtiles opérations de chimie mentale, je n’obtiendrai jamais rien qui ressemble à l’intuition simple que j’ai de la durée ; au lieu que si je me replace dans la durée par un effort d’intuition, j’aperçois tout de suite comment elle est unité, multiplicité, et beaucoup d’autres choses encore. Ces divers concepts étaient donc autant de points de vue extérieurs sur la durée. Ni séparés, ni réunis, ils ne nous ont fait pénétrer dans la durée même.
Nous y pénétrons cependant, et ce ne peut être que par