Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une intuition. En ce sens, une connaissance intérieure, absolue, de la durée du moi par le moi lui-même est possible. Mais si la métaphysique réclame et peut obtenir ici une intuition, la science n’en a pas moins besoin d’une analyse. Et c’est d’une confusion entre le rôle de l’analyse et celui de l’intuition que vont naître ici les discussions entre écoles et les conflits entre systèmes.

La psychologie, en effet, procède par analyse comme les autres sciences. Elle résout le moi, qui lui a été donné d’abord dans une intuition simple, en sensations, sentiments, représentations, etc., qu’elle étudie séparément. Elle substitue donc au moi une série d’éléments qui sont les faits psychologiques. Mais ces éléments sont-ils des parties ? Toute la question est là, et c’est pour l’avoir éludée qu’on a souvent pose en termes insolubles le problème de la personnalité humaine.

Il est incontestable que tout état psychologique, par cela seul qu’il appartient à une personne, reflète l’ensemble d’une personnalité. Il n’y a pas de sentiment, si simple soit-il, qui ne renferme virtuellement le passé et le présent de l’être qui l’éprouve, qui puisse s’en séparer et constituer un « état » autrement que par un effort d’abstraction ou d’analyse. Mais il est non moins incontestable que, sans cet effort d’abstraction ou d’analyse, il n’y aurait pas de développement possible de la science psychologique. Or, en quoi consiste l’opération par laquelle le psychologue détache un état psychologique pour l’ériger en entité plus ou moins indépendante ? Il commence par négliger la coloration spéciale de la personne, qui ne saurait s’exprimer en termes connus et communs. Puis il s’efforce d’isoler, dans la personne déjà ainsi simplifiée, tel ou tel aspect qui prête à une étude intéressante. S’agit-il, par exemple, de l’incli-